jeudi 15 avril 2010

Les dessous de la photo de Rimbaud : Izarrimbaud ?

Elle lui ressemblait comme une fille peut ressembler à son père.

Avec la bonne foi, la sincérité de son âme entière, de son coeur franc (fatalement lucides), le public ne s'y était pas trompé. La France était convaincue !

Sauf que les tests ADN avaient rendu leur verdict, pétrifiant : désaccord génétique total et définitif entre la fille et son prétendu géniteur.

La douche froide.

Qui ne se souvient pas de cette douloureuse affaire Aurore Drossard, fille imaginaire de Montand ? La leçon, authentique cas d'école, doit nous inciter à adopter à l'avenir la plus extrême prudence dans ce genre d'information où la subjectivité peut brouiller les pistes les mieux balisées.
Or, avec le dernier avatar concernant Rimbaud, nous sommes dans un processus médiatico-hystérique exactement inverse : cette fois ce sont les "spécialistes" qui, enivrés de doctes fumées, se sont eux-mêmes convaincus. Et de quoi donc me demanderez-vous ? Du pire : la mine patibulaire d'un Rimbaud aux antipodes de sa légende esthétique.

La pilule à du mal à passer chez les vrais-faux admirateurs du poète de Charleville qui, avec ce bon sens inné caractérisant les profanes et les ignorants, doutent.

La découverte de la photo date de deux ans. Troublant : à la même époque un certain Izarra criait à qui voulait l'entendre -et nul ne semblait vouloir prêter sérieusement l'oreille à ses élucubrations- qu'il était l'auteur du "Rêve de Bismarck", un autre inestimable trésor rimbaldien sauvé des rebuts d'un bouquiniste de Charleville-Mézières. Décidément, le hasard facilite bien des choses dans l'environnement de cet énigmatique Izarra...



Mais revenons à la tête de Rimbaud. Les spécialistes dont le fameux Jean-Jacques Lefrère se sont basés sur quatre de ses photos (plus ou moins nettes) déjà connues et reconnues pour établir un nouveau dogme avec cette vertigineuse certitude propre aux exégètes de leur niveau, élevés au pain blanchi. La farine universitaire a d'incontestables vertus de salubrité intellectuelle... Bref, c'est avec la même conviction, pour ne pas dire la même ferveur que le "Rêve de Bismarck" fut décrété authentique.

Rien n'est plus ressemblant à un portrait qu'un autre portrait, pour peu que le coeur s'emballe. On s'interrogera sur les méthodes employées par ces imprudents spécialistes cherchant à faire passer à la postérité le visage d'un parfait anonyme confondu avec Rimbaud sous le prétexte d'une enseigne d'hôtel en guise de (fausse) piste aux stars du Parnasse, de chasse aux mythes... Bertillonnage ? Identification judiciaire ? Tests ADN ? Les rieurs riront.

Les convictions pour le moins subjectives -autant dire hautement fantaisistes- de Jean-Jacques Lefrère et ses disciples sont une bonne gifle pour nous rappeler qu'à travers ce genre de révélation sensationnelle pleine de flou artistique lié à l'univers de Rimbaud, un Izarra peut toujours en cacher un autre.

Les érudits échaudés ajouteront : aujourd'hui plus qu'hier.

Méfiance donc.

Jacques Quentin

Note de l'auteur au sujet de Raphaël Zacharie de Izarra :

Il y a encore trop de journalistes crédules victimes des machinations de ce faussaire sans scrupule qui diffusent en toute bonne foi mais sans aucune conscience professionnelle ses fausses nouvelles toujours spectaculaires. Il est urgent de dénoncer l'imposture de ce faussaire certes talentueux mais qui semble ne connaître aucune limite. Je connais Raphaël Zacharie de Izarra à travers ses frasques médiatiques rapportées depuis plusieurs années par les quotidiens de l'Ouest (il est du Mans, je suis de Rennes). Il s'est spécialisé depuis une quinzaine d'années dans le faux littéraire et à déjà produit quelques "inédits" célèbres.

JQ

2 commentaires:

Dandelion a dit…

Avouez-quand même que la ressemblance est plus que troublante. Une superposition à même échelle, avec une légère rotation, donne une juxtaposition exacte de l'oreille droite, de la gauche, des yeux, de la narine - et trou de nez - gauche, de l'implantation des cheveux...
La mâchoire est bien placée aussi, mais le Rimbaud de 17 ans avait les joues plus grasses, enfantines, tandis que celui de 27 ans s'est amaigri, endurci.
Quant à la moustache, si on l'enlève avec photoshop, ce n'est plus une simple ressemblance qui nous frappe : c'est l'évidence.
Si c'était une photo prise ailleurs, ou en 1879 (avant Harar), je dirais "ouah, on dirait Rimbaud mais le lieu ou la date ne le permettent pas", or tout concorde !
On n'aura jamais la certitude à 100%, mais pour ma part j'accepte ce cliché. J'avais déjà fait des simulation de Rimbaud plus vieux, plus maigre et barbu et/ou moustachu, et ça donnait ça...

Rimbaud, le scandale du vrai-faux inédit a dit…

Bonjour Dandelion,

Justement là où notre faussaire est très fort, et même assez vicieux, c'est qu'il mêle toujours de la vraisemblance à ses mauvais tours. Il aura bien évidemment proposé aux crédules une photo vaguement ressemblante, voire très ressemblante. Mais la ressemblance ne fait pas nécessairement le Rimbaud...

Cordialement
JQ